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samedi 2 décembre 2017

Leur séparation de Sophie Lemp


 Allary Éditions
★★★★☆ (J'ai beaucoup aimé)

Un petit livre tout simple et extrêmement touchant : la narratrice évoque la séparation de ses parents lorsqu'elle était encore une jeune adolescente et la peine qu'elle ressent encore alors qu'elle est devenue adulte et qu'elle a elle-même des enfants.
« Mon enfance m'apparaît comme scindée en deux. Pourtant une séparation n'est pas une mort brutale. J'avais depuis longtemps conscience des difficultés que rencontraient mes parents et cela faisait quelques semaines qu'ils m'avaient fait part de leur décision. Je savais. Mais jusqu'à la dernière minute, j'avais espéré. »
Il y a eu un avant fait de joies, de vacances ensemble, de sorties chez des amis, de couleurs et de bruits, d'insouciance, de sérénité et de bonheur et un après, rongé par l'angoisse, le désarroi, l'incompréhension, la culpabilité, une vie plus triste et plus terne, plus seule et plus silencieuse. Entre les deux : elle, ce qui « reste » d'une certaine façon d'une union qui n'est plus, de quelque chose qui semble disparu à jamais.
Les mots choisis par l'auteur pour évoquer ce qu'elle a vécu comme un véritable déchirement portent toute sa douleur contenue, sa souffrance tue. Le ton est grave. On sent à quel point son enfance fut meurtrie par cette séparation mais, et c'est là que réside, je pense, toute l'originalité de l'oeuvre, cette douleur perdure dans l'âge adulte. On se dit que le divorce, fait de société, ne devrait en aucun cas être « banalisé » : on mesure mal, en effet, le déchirement vécu par l'enfant et la plaie qu'il portera encore adulte. Parce que, nous dit Sophie Lemp, cette séparation aura un impact sur notre vie d'adulte.
« Pour ses onze ans, ma fille a voulu réunir ses grands-parents. Ils ont accepté et nous avons dîné tous ensemble. A la fin de la soirée, elle est allée chercher son Polaroïd et nous a demandé de nous installer sur le canapé. Mon père s'est retrouvé près de ma mère. Quand il l'a remarqué, il a changé de place. Il n'a rien dit, mais j'ai compris qu'il ne voulait pas être à côté d'elle. Plus tard, seule dans la cuisine, j'ai pleuré. Je n'avais plus trente-sept ans, je n'étais plus une jeune femme, je n'étais plus la mère de mes enfants. J'étais seulement la fille de mes parents et ils avaient divorcé. »
C'est avec des mots pleins de pudeur et de sensibilité que l'auteur, inconsolable, laisse entendre toute la douleur encore vive qui émane de cette plaie qui ne cicatrisera sans doute jamais et qu'elle porte chaque jour, espèce de fardeau éternel, tourment perpétuel : « … comme un jour j'ai cessé de dire mes parents, je ne dirai jamais à mes filles vos grands-parents. »
Et ce livre, peut-être, comme une dernière façon de les réunir, malgré eux.

Très, très émouvant.

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